Chamonix

Vous rêvez de grimper une ligne parfaite, sur un granit de très bonne qualité, avec de bons copains, tout en jouissant d’une vue panoramique depuis les Drus jusqu’à la dent du Géant en passant par les Grandes Jorasses ?… Bienvenue à l’Envers des Aiguilles de Chamonix!

J’ai eu l’occasion d’y passer une semaine avec Olivier l’année passée, un endroit où je voulais absolument retourner! Pas très dur donc de convaincre la bande d’y passer un peu de bon temps. Dans un premier temps, Félix et John, nous rejoindront ensuite le reste de la bande : Livio, Bertrand, Olivier et Arnaud.
Comme à chaque voyage, nous avons des objectifs assez ciblés : 1. Se faire plaisir (pas trop dur ça) ! 2. Grimper des lignes magnifiques (pas trop difficile dans le coin) et 3. Faire les voies « Etat de choc ED+ 340m 7b » au petit clocher du Portalet et « Le soleil a rendez-vous avec la lune TD+ 850m 6b+ » sur le Grépon. Motivés, motivés!!!
Les exams sont finis, Félix, John et moi prenons le bus qui nous déposera 18h plus tard à Chamonix. Nous voulons d’abord grimper au petit clocher du Portalet (Suisse) et ensuite à l’Envers. Le train coûte trop cher, nous faisons du stop jusqu’à Champex-Lac. Ce n’est pas très évident, à 3 et avec des sacs plutôt chargés (matos + tente + nourriture pour 7 jours…).
La compétition est lancée : qui va arriver en premier à destination ? 2 teams: Félix d’un côté, John et moi de l’autre. Le premier a la chance de commencer : la première voiture qui s’arrête est une Porshe… John et moi sommes un peu dégoûtés! Heureusement, le sac était trop gros pour la voiture (haha). Après une lutte acharnée, John et moi arrivons 1h30 après Félix avec 6 voitures différentes. Nous prenons le télésiège à Champex pour ensuite marcher 2h30 environ. Le Petit Clocher du Portalet est situé en Suisse, près de la cabane d’Orny. Pas encore vraiment la montagne mais nous sommes quand même à 2500m d’altitude. Nous n’avons pas beaucoup dormi dans le bus ; avant d’aller rejoindre Morphée, nous avons juste le temps de discuter de l’objectif du lendemain. Au matin, attaque douce avec la voie « Le chic, le chac, le choc ED- 200m 6c ». Effectivement la voie n’est pas trop dure (et pas super belle non plus d’ailleurs) ; par contre… l’approche l’est un peu plus!! Descente dans des éboulis de moraine et accès vertigineux sont au rendez-vous! Au soir, nous allons à la cabane d’Orny (à 10 min de notre tente), nous renseigner sur la météo de demain : orages en fin d’après-midi. Etat de choc tombe à l’eau!

Nous ne voulons pas rallier Chamonix par la route et décidons de faire la traversée Orny-Village du Tour par le col supérieur du Tour sous l’aiguille du même nom. Enfin on va retoucher du glacier !! Lever à 4h du mat, départ à 5h on est chaud! Il faut arriver de l’autre côté avant l’orage!! Nous sommes speedés… A 8h, sieste au col! 1h de dodo après, on trace jusqu’en bas! Juste à temps, il commençait à pleuvoir…

A Chamonix, où dormir ce soir? Pas envie de nous éloigner de la ville et encore moins payer une chambre… Nous trouvons un kot à poubelles (tout propre si si) où passer une excellente nuit. Bon ok : faut déménager à 5h parce que les cuisines se mettent en route, mais bon…

Après une nuit à peine plus reposante que les 2 dernières et quelques emplettes, nous montons dans le petit train du Montenvers pour rejoindre la Mer de Glace. La remonter un peu et gravir quelques échelles nous permettent d’atteindre ce superbe refuge qu’est l’Envers. Enfin on se pose un peu, on peut dormir dans un vrai lit! Et on invente des recettes de cuisine 😉 Avez-vous déjà essayé la purée lyophilisée mélangée à de la soupe en poudre aux tomates le tout avec des raisins secs? Et bien ça se laisse manger!
Les deux jours suivants : pur plaisir dans 2 superbes voies: « L’alchimie du temps qui passe ED- 6c 350m » sur la Tour Rouge (avec accès sur glacier assez pentu!) et « Pasang revient de l’Everest TD+ 6b+ 200m » sur la tour Verte dont l’approche de 5min se fait presque en sandales! 2 voies peu équipées : les relais ainsi qu’un ou deux points en dalle. Objectifs 1 et 2 remplis!

Arrive le moment du gros morceau du séjour: le Grépon et ses 850m de grimpe soutenue dans le 6a!

Lever à 3h, départ à 3h30, attaque à 5h. Après seulement 2h de grimpe, nous sommes perdus dans la 9ième longueur… Après une traversée dans un couloir où des pierres tombent en permanence, nous retrouvons assez vite la voie. C’est cool la montagne!
S’ensuivent de nombreuses longueurs (27 en tout) pas spécialement belles mais dans une ambiance folle. Une longueur en particulier nous a marqué: elle comportait une enjambée d’1,5m avec 300m de vide en dessous! 5 longueurs avant la fin me prend l’envie de ne pas aller au sommet de la voie, une antécime du Grépon, mais au sommet lui-même. Je termine donc la voie en mode « on va tout droit même si plus rien n’est équipé » et « on se fait peur à 800m du sol ». Vers 18h, c’est le sommet : beaucoup d’émotions après avoir concrétisé un projet vieux de 2 ans. Et enfin le soleil et quelle vue de fou!!! Aiguille du Midi, Mont Blanc, Dent du Géant, Grandes Jorasses, Aiguille Verte et les Aiguilles Rouges nous offrent un panorama vraiment fantastique! Il est malheureusement temps de redescendre… Et c’est là que les choses sérieuses commencent… La descente du Grépon se fait normalement versant Chamonix, et seule la ligne de notre voie est équipée pour descendre, voie que l’on a quittée 5 longueurs avant la fin… Du coup, le premier rappel se fait sur la Vierge, le deuxième sur un vieux friends coincé là depuis trop longtemps à mon goût, et le troisième sur un béquet bien arrondi. 3 rappels d’environs 50m chacun, ouf, plus que 700m de descente! Heureusement, jonction est faite avec la voie! Nous sommes sur le glacier à 1h du mat. Le descendre n’a pas été évident : une pente de 45-50° sans piolet, de nuit après 22h d’effort… Je me souviendrai toujours de la tête de Félix qui, remontant timidement le glacier, me dit « je ne crois pas que ça passe par là: y a des grosses crevasses partout ».

Le lendemain, réveil matinal vers 10h30… Le programme est chargé: sieste sur la terrasse et au soleil! C’est une des rares fois où nous avons cuisiné toute la journée, la météo du lendemain étant incertaine et la nourriture trop lourde à descendre (pas pour les estomacs !). La descente est bucolique, Félix presse le pas, presque trop. Ce n’est qu’à Chamonix que John et moi comprenons qu’Anne est arrivée! Des fruits, des légumes, de la viande,… Que de bonnes choses après quelques jours en montagne.

Quelque chose nous perturbait, une quête inachevée, nous étions déjà en manque : il nous fallait absolument tenter à nouveau LA voie. Le lendemain matin, nous sommes de retour au pied de LA ligne, à préparer nos gants de protection. À R3, Félix nous demande de le descendre : baisse de motivation et surtout, (ou pas) il faut aider Anne qui fait des photos de nous depuis l’autre côté de la vallée 😉 Il faut donc le descendre de 100m… Merci Jean pour les manips’!! John et moi continuons et attaquons une belle fissure en pur coincement : un régal! S’en suit une longueur qui me hante depuis quelques temps: LE 7a offwidth! J’avais lu l’article de Sean quand il a gravi cette voie et le passage du casque coincé m’avait beaucoup fait rire… Je pense donc à l’enlever… Pas de bol, c’est ma tête que je coince littéralement… Grosse trouille 10m au-dessus de mon dernier friends… J’arrive à la débloquer et à continuer… Ouf! 50m de fissure d’environ 50cm de large: trop fine pour être une cheminée, trop grande pour coincer les poings et de plus légèrement déversante, ce qui rend le dülfer impossible. Il faut faire la limace: c’est ça un offwidth. Quand Sean, Nico et autres nous disaient que ce type de fissure est épuisant et vide toute l’énergie du corps, je ne les croyais qu’à moitié…Plus aujourd’hui!! Au relais, je suis tout content de mon « à vue», mais il nous faut redescendre, par manque de temps. Dommage, à 3 longueurs du sommet, nous nous tapons toute la descente à pied et arrivons de nuit dans la vallée. Le troisième objectif est presque accompli… On reviendra!! (Surtout quand on voit la ligne d’Ave Caesar juste à côté!!)

Félix et Anne s’en vont dans les Dolomites, John et moi sommes de retour à l’Envers, 2 jours à peine après l’avoir quitté. Nous avons passé la nuit non plus dans un kot à poubelles (cuisines oblige), mais dans une entrée de parking… Chamonix « on tour », en gros. Durant la montée au refuge, nous faisons la rencontre de Rodrigo, un local assez sympa, qui passe le plus clair de son temps à l’Envers. Ses cornes de 1m50 ne nous inspirent pas trop confiance… Cela peut se comprendre, quand on est à 2 doigts de caresser….un bouquetin!

Après avoir attaqué une ligne de 150m un peu plus sport, avec une fine fissure en 7a qui ne nous a pas laissés indifférents, nous descendons l’après-midi même au Montenvers récupérer Livio et Bertrand. Olivier et Arnaud nous rejoignent aussi. Ce soir-là, nous aurons l’occasion d’apprécier la simplicité et l’humilité d’un des plus grands ouvreurs du coin (mais aussi de Taghia au Maroc) : Michel Piola! Pas comme le triple-champion du monde Alex Chabot, qui n’a que le mot « performance » à la bouche et ne t’adresse la parole que si tu grimpes du 8… 2 mondes…

Chacun part de son côté : Livio et John dans « Amazonia », Oli et Arnaud dans « Le pont des soupirs » et « Tout va mal », Bertrand et moi également dans « Le pont des soupirs » mais aussi « Pedro polars ».

Bertrand place super bien ses quasi-premiers coinceurs et se débrouille pas mal pour sa première en crampons sur des glaciers à 45° 😉 Mais surtout, il m’offre la possibilité de faire « Subtilités dulfériennes » en grosses (chaussures de montagnes). Quand Rodrigo et ses cornes daigne nous laisser passer sur la terrasse du refuge, nous partons rejoindre le pied de la voie. Bertrand s’équipe, et c’est parti : attaque d’une rimaye de 2m puis 500m de 6c, entièrement sur coinceurs, pas même un petit spit au relais… J’arrive au premier relais: « Relais »… »Départ »… Au début, je ne m’en rends pas bien compte (inconsciemment, je me dis que c’est impossible) mais Bertrand grimpe avec mes grosses. Il était parti avec deux chaussons gauches !!… Y a des jours comme ça… Le relais n’est pas très confortable et il faut rapidement faire le point de la situation : «On fait quoi? «On redescend? «Ou pas… » »T’es chaud pour te taper tout en tête et en grosse ?» «A ton avis? «Alors à l’attaque ! ». Bertrand prend mes chaussons, je grimpe avec les grosses! Quelques frayeurs dans la voie : En L15, complètement explosé dans un dièdre en 6c, je cherche désespérément à mettre une protection et fais un jeté d’1,5m à l’horizontale dans une fissure surplombant le vide. Ma dernière protection est loin en dessous… Je récupère un peu, le temps de me rendre compte que mes pieds pendouillent dans 400m de vide et que la chute à cet endroit pourrait atteindre les 30-40m… Oups, on ne fait pas le malin! Pose de friends à un bras, perte d’un autre friends et réta magnifique! 4 longueurs plus tard, on échappe de justesse à l’orage, pour enfin entamer la descente… Retour au refuge et dodo!!!

Plus question de continuer à grimper, c’est la tempête! You houuuuuuu!!!! La descende de l’Envers fut… épique… on se ramasse des cascades d’eau en descendant les échelles, des glissements de terrain dans la moraine et John arrive en hypothermie au Montenvers. Heureusement, les autres avaient de bonnes Gore-Tex…
Premier objectif à Chamonix : foncer prendre une frite et une bière!!! Ensuite, chacun s’en va de son côté: Oli et Arnaud vers le Grand Capucin, Bertrand, John et Livio vont faire du sportif près de Lausanne, quant à moi, je pars en Oisans user mes coinceurs du côté de la Dibona avec mes parents et d’autres amis.
Un grand merci à tous nos parents, aux gardiennes du refuge de l’Envers, à tous ceux qui nous ont prêté du matos: Lambert Martin, Greg Hislop, Michel Lévêque, … ainsi qu’à tous ceux qui nous inspirent et qui nous ont formés!
Kivik